LÉVESQUE CPA| 2023-02-25
Attention à l’article 73 L.I.R.
LÉVESQUE CPA| 2023-02-25
Tout au long de leur vie commune, ou encore au moment de leur séparation/divorce, des conjoints vont se transférer des biens l’un à l’autre sans connaitre les conséquences fiscales de ces transferts. Voici ce qui est primordial de savoir pour toute personne en couple…
L’article 73 de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.I.R.) précise que selon le principe général, un roulement1 automatique s’applique aux transferts de biens en immobilisations2 effectués entre conjoints sous réserves de certaines conditions3. Par conséquent, toutes les caractéristiques fiscales des biens de l’auteur du transfert, et donc l’impôt latent sur ces biens, seront transférées entre les mains du bénéficiaire du transfert. C’est lors de la revente ultérieure du bien par le bénéficiaire du transfert que ce dernier réalisera le gain ou la perte en fonction de ces caractéristiques fiscales.
Lorsqu’il y a roulement automatique, le problème auquel les conjoints devront faire face est que les règles d’attribution entre conjoints s’appliqueront dans plusieurs des cas. Donc, bien que les conjoints profitent d’un allègement fiscal au moment du transfert, d’autres conséquences fiscales potentiellement défavorables surviendront par la suite. Le but des règles d’attribution est de décourager un particulier à céder ou prêter un bien à son conjoint afin d’en partager le revenu et ainsi réduire le montant total d’impôt à payer sur ce revenu. Les règles d’attribution auront généralement comme conséquence d’attribuer au particulier cédant le revenu et les gains ou pertes en capital générés par les biens transférés ou prêtés à son conjoint sans contrepartie ou pour une contrepartie inférieure à la Juste Valeur Marchande (JVM) du bien.
Si les contribuables ne désirent pas qu’il y ait roulement fiscal, c’est-à-dire un transfert sans conséquence fiscale immédiate, mais souhaitent plutôt une disposition réputée à la JVM, il est possible pour l’auteur du transfert de faire ce choix en joignant une lettre avec sa déclaration de revenus afin de déclencher immédiatement les incidences fiscales sur un bien en particulier. Ceci signifie donc que le choix de ne pas effectuer de roulement est laissé à la discrétion du cédant et ne constitue pas un choix effectué conjointement. Le bénéficiaire du transfert doit donc s’y soumettre, le cas échéant.
Si le conjoint cédant fait le choix afin que le roulement automatique ne s’applique pas, les règles normales de dispositions s’appliqueront à ce transfert. Par conséquent, les règles d’attribution ne s’appliqueront pas puisque nous faisons face à un véritable transfert. Cependant, puisque les conjoints sont des personnes liées entre elles, les règles de l’article 69 de la LIR trouveront aussi application. Ainsi, en vertu de cet article, un transfert entre personnes liées devra s’effectuer à la JVM, sinon une double imposition s’appliquera éventuellement sur la transaction4.
En résumé, étant donné la préséance de l’article 73 sur l’article 69 de la LIR, si le roulement automatique de l’article 73 a lieu, les règles d’attribution s’appliqueront après le transfert, mais les règles de double imposition de l’article 69 ne s’appliqueront pas. Par contre, si le choix de ne pas effectuer le roulement est effectué, les conjoints qui se qualifient comme tels devront transférer le bien à la JVM s’ils ne veulent pas entraîner une double imposition sur la transaction en vertu des règles de l’article 69. Alors, vu la complexité de tout ceci, mieux vaut consulter un fiscaliste aguerri quand vient le temps de transiger avec son conjoint. Ça pourrait vous éviter beaucoup de problèmes imprévus.
1Dans le jargon fiscal, un roulement est un transfert de biens sans impact fiscal pour le cédant et faisant en
sorte que l’acquéreur recevra un bien qui aura hérité des caractéristiques fiscales du bien du cédant.
2Une immobilisation comprend, de façon générale, tout bien amortissable ainsi que tout bien dont la
disposition crée un gain ou une perte en capital.
Par Louis-Philippe Lussier, CPA auditeur, LLM fisc.
3Il y a un transfert «d’immobilisations» au sens de la loi, et le bénéficiaire du transfert est soit le conjoint
(marié ou de fait), un ex-conjoint si le transfert est fait en règlement des droits découlant de leur mariage
ou union ou encore, une fiducie créée par l’auteur du transfert en faveur du conjoint, à certaines conditions.
4Voir à cet effet notre infolettre d’octobre 2018 « TRANSACTIONS AVEC LIEN DE DÉPENDANCE AU NIVEAU
FISCAL »